dimanche 20 février 2011

ÉPISODIQUES 03: La grande trouille ou le samedi de la honte hâtive

J’ai failli intituler cet épisodique « La Grande Peur ». Mais l’appellation est déjà réservée pour la peur de juillet 1789, provoquée par la rumeur d’un complot aristocratique qui aurait embauché des brigands pour détruire les récoltes du peuple. Ce n’est pas le cas à Patagascar où les comploteurs sont déjà au pouvoir et pillent les richesses du pays. Où les brigands patentés assurent l’insécurité dans le peuple et les entreprises, et où les champs d’usines franches ne produisent déjà plus rien. Le seul synonyme qui me semble convenir, c’est La Grande Trouille.

On le sait, depuis mardi, l’horribilissime annonçait son retour au pays pour le samedi matin. Les trottoirs glosaient sur la nouvelle. Etait-ce , comme souvent annoncé au téléphone, un projet sans suite ? Serait-ce une blague ou un canular ? Oserait-il revenir pour se retrouver en prison à Tsiafahy avec les colonels Charles et Koutity ?

La nouvelle devint mercredi la première affaire pour les Hâtifs qui tiennent toujours le pays. Mercredi, un conseil des ministres lui fut consacré, suivi d’un conseil restreint des « ministres » chargés de l’ordre intérieur. Que faire ? L’incertitude régnait dans ce petit monde. Interrogé, le général Claude Ravalomanana disait prudemment que cela n’entrait pas dans ses attributions, mais que si d’en haut, on lui en donnait l’ordre, il procéderait à l’arrestation. Un colonel de gendarmerie disait que, s’il était arrêté, le chemin d’Ivato à Tsiafahy était long et qu’il n’était pas sûr que le fourgon cellulaire puisse y arriver. Pour Alain Ramaroson, il pouvait revenir et pourrait s’expliquer sur ses erreurs.

Mais, sous l’éminente direction du nourrisson, le monde Hâtif se trouva vite une position commune : il serait arrêté pour éviter toute « déstabilisation » – c’est le mot-clé actuel –, et, remettant du matériel aux forces de l’ordre, le nourrisson lui-même fanfaronnait : l’horribilissime était un coupable qui se rendait pour purger sa peine.

Il était alors déjà évident que ce n’était ni une blague ni un canular : toute une campagne de publicité payante dans la presse annonçait la venue, ce qui ne s’était pas encore vu. Mamy Rakotoarivelo mobilisait la mouvance archéo-Tim et sympathisants ; il espérait des dizaines de milliers de personnes, sans doute cent mille au moins, comme comité d’accueil à l’aéroport. Oserait-on procéder à l’arrestation devant un tel vahoaka ?

Pour éviter un tel afflux pour un accueil triomphal, il fut Hâtivement prévu des barrages militaires sur les routes menant à Ivato pour en interdire l’accès à tout véhicule privé. Seuls seraient autorisés à passer les taxibe effectuant normalement le transport urbain. Une autre mesure, plus efficace, devait interdire l’arrivée de Ravalomanana à Madagascar : ce fut, dès le vendredi 18 février une Notam, une notification de la direction de l’aviation civile patagache « interdisant à tout aéronef à destination de Madagascar d’embarquer Monsieur Ravalomanana ». Il était même sous-entendu que tout aéronef qui le ferait serait interdit de survol du territoire malgache et pourrait être abattu et que, s’il y avait des troubles, la compagnie aérienne en serait civilement responsable.

Les médias du village planétaire suivaient l’affaire et étaient présents au comptoir de la South African Airways au moment de l’embarquement. Micros et caméras y constatèrent que le Président malgache ne put s’embarquer pour rejoindre Patagascar. Rfi l’a raconté et souvent répété le samedi matin, disant que Ravalomanana avait été déclaré personna non grata. Et comme ce genre de dénomination ne peut être appliquée qu’à des étrangers et non à des nationaux qui, en droit international, ont le droit de rentrer dans leur pays, il est évident que la nationalité de la Grande Île a changé et que, sans référendum, nous sommes tous devenus patagaches.

Quant à l’horribilissime, s’il n’a pas pu prendre l’avion et rentrer au pays, il leur a foutu – j’emploie le mot en en sachant le sens : il vient de futare, un verbe latin du premier groupe (voyez le Gaffiot) –, il leur a foutu, disais-je, une grande trouille. Il n’est pas venu, n’avait plus rien à voir, mais il a vaincu : son vahoaka à lui, comme le craignent nos crocodiles, ne tiendrait pas sur la place du 13 mai. Ils étaient quand même des milliers à Ivato. Il chantaient, ils dansaient, ils chantaient même Alleluia !

Le même samedi matin, loin d’Ivato, je faisais part à ma gouvernante de l’information donnée par Rfi. Elle l’a regrettée, car, m’a-elle dit, si Ravalomanana était arrivé, le prix du riz aurait baissé.

Décidément, je n’ai pas résisté à la tentation de vous écrire. Quand brèquerais-je vraiment ?



Et si vous voulez en savoir plus, voyez :

Mydago.com

http://www.youtube.com/watch?v=DdsgShrsBvQ

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Le GTT INTERNATIONAL, collectif de la diaspora malagasy, dont le siège est à Genève (CH), poursuit un double objectif: la restauration de l'Etat de droit et le rétablissement de la Démocratie à Madagascar. Il prône et oeuvre pour la liberté d'expression, la prise de conscience citoyenne et la mise en place d'une vraie démocratie dont l'exigence première est la tenue d'un processus électoral inclusif, libre et transparent ".