Rien ni personne ne semble être en mesure de contrer le pillage à large échelle des ressources naturelles de Madagascar par les élites politiques et économiques de l’île. Jeudi 14 janvier, le comité permanent de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), réuni à Genève, a été contraint de durcir ses
sanctions face à l’inertie du gouvernement dans la lutte contre le
trafic de bois de rose, un bois précieux prisé par les nouveaux riches
chinois et utilisé dans la fabrication de meubles de luxe.
Resté lettre morte depuis son adoption en août 2013, l’embargo promis
par Madagascar sur toutes sur les exportations de bois de rose et
d’ébènes va désormais se doubler
de l’interdiction faite à toutes les parties de la Cites, soit 181
pays, d’importer ces essences illégalement exploitées. Les Etats bien
connus (Tanzanie, Kenya, Singapour, Sri Lanka, Mozambique) par lesquels transitent les containers remplis de grumes interdites avant leur destination finale, la Chine, deviennent à leur tour responsables de mettre un terme à ce trafic. A défaut d’agir, elles pourraient être tenues pour complices.
« Tout le monde est fatigué par le double jeu des Malgaches », confie un diplomate très au fait du dossier. Des millions de dollars ont été engagés pour aider le pays à mettre en place un plan d’action. La Banque mondiale, Interpol, l’Organisation mondiale des douanes, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime collaborent pour démanteler les réseaux mafieux tenus par les barons du bolabola, le bois de rose en malgache. En vain.
La Cites ne l’entend cependant pas de cette oreille : « Madagascar devrait redoubler d’efforts en matière de lutte contre la fraude (…) avant de penser à négocier la restitution des bois saisis. » Et il n’est en tout cas pas question d’autoriser des ventes sans s’assurer de la destination finale de l’argent. « Dans les circonstances actuelles, remettre les bénéfices des ventes aux enchères à Madagascar au lieu de les placer dans un fonds sûr pourrait créer une incitation perverse à la poursuite du blanchiement du bois dans le commerce illégal pour qu’il soit mis aux enchères une fois saisi », écrivent les experts de la Cites dans le rapport présenté à Genève. Avant d’ajouter en des termes sibyllins : « Il peut aussi y avoir le risque que le produit de ces ventes bénéficie aux individus responsables de l’organisation de l’exploitation et de l’exportation illégales de ces bois à Madagascar. »
Madagascar empile les lois interdisant le commerce du bolabola. La dernière d’entre elles a été adoptée par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015. Elle prévoit un alourdissement des peines : jusqu’à vingt ans pour les commanditaires et les exportateurs et dix ans pour les coupeurs de bois en forêt. Un tribunal spécial, basé à Antananarivo, et uniquement chargé de sanctionner ce trafic doit être créé. L’Alliance Voahary Gasy, qui regroupe une trentaine d’associations de défense de l’environnement, avait alors salué cette avancée tout en rappelant qu’à Madagascar « le problème, ce n’est pas les lois mais leur application ».
Plus de 5 400 tonnes de bois saisies
Pour le secrétariat de la Cites, il s’agit d’un ultime avertissement adressé aux autorités de la Grande Ile avant qu’il ne recommande un embargo total sur le commerce malgache d’espèces protégées classées à la convention. Si Madagascar ne démontre pas sa volonté d’agir rapidement, cette proposition, portée par l’Union européenne, pourrait être soumise à l’approbation des membres de la convention lors de la prochaine conférence de la Cites prévu en septembre, à Johannesburg.« Tout le monde est fatigué par le double jeu des Malgaches », confie un diplomate très au fait du dossier. Des millions de dollars ont été engagés pour aider le pays à mettre en place un plan d’action. La Banque mondiale, Interpol, l’Organisation mondiale des douanes, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime collaborent pour démanteler les réseaux mafieux tenus par les barons du bolabola, le bois de rose en malgache. En vain.
Lire aussi : Bolabola, le bois qui saigne
En dépit de l’embargo, le bois coupé dans les réserves naturelles puis transporté
sur de petites embarcations avant d’être chargé sur des navires battant
pavillon souvent panaméen ou sierra-léonais, a continué de prendre
la mer muni de faux papiers. Plus de 5 400 tonnes de bois ont été
saisies sur les côtes malgaches ou dans les ports étrangers entre
décembre 2013 et octobre 2015, selon le décompte publié par la Cites. La
plus grosse prise – 3 372 tonnes – a eu lieu à Singapour en mars 2014.
Au total, ces quantités colossales correspondraient à un volume de
35 000 à 40 000 arbres. Quel chiffre faut-il imaginer alors pour les cargaisons qui sont passées au travers des mailles du filet ?« Incitation perverse »
Si les autorités malgaches « oublient » de lutter contre le trafic, elles suivent en revanche de très près la comptabilité des stocks saisis à l’étranger en plaidant pour leur mise aux enchères. L’argent tiré de ces ventes devant, selon elles, servir à « assainir la filière forestière ».La Cites ne l’entend cependant pas de cette oreille : « Madagascar devrait redoubler d’efforts en matière de lutte contre la fraude (…) avant de penser à négocier la restitution des bois saisis. » Et il n’est en tout cas pas question d’autoriser des ventes sans s’assurer de la destination finale de l’argent. « Dans les circonstances actuelles, remettre les bénéfices des ventes aux enchères à Madagascar au lieu de les placer dans un fonds sûr pourrait créer une incitation perverse à la poursuite du blanchiement du bois dans le commerce illégal pour qu’il soit mis aux enchères une fois saisi », écrivent les experts de la Cites dans le rapport présenté à Genève. Avant d’ajouter en des termes sibyllins : « Il peut aussi y avoir le risque que le produit de ces ventes bénéficie aux individus responsables de l’organisation de l’exploitation et de l’exportation illégales de ces bois à Madagascar. »
Lire aussi : Ankiliabo, dans la jungle du saphir malgache
Le trafic de bois de rose et la corruption qui l’accompagne ont en
effet intimement pénétré l’Etat malgache jusqu’aux plus hautes sphères
du pouvoir. Les barons font (et défont) de façon notoire les carrières politiques. Et bien que leurs noms soient régulièrement cités dans la presse ou par les ONG qui osent encore s’y attaquer,
nul n’a jamais été inquiété. En juillet 2015, l’un des plus célèbres
d’entre eux, Bekasy Johnfrince, a été arrêté au terme d’une longue enquête
menée par le Bianco, le bureau anticorruption de Madagascar. Puis
relâché après quarante-huit heures de garde à vue sans que le parquet
n’engage de poursuites judiciaires.Madagascar empile les lois interdisant le commerce du bolabola. La dernière d’entre elles a été adoptée par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015. Elle prévoit un alourdissement des peines : jusqu’à vingt ans pour les commanditaires et les exportateurs et dix ans pour les coupeurs de bois en forêt. Un tribunal spécial, basé à Antananarivo, et uniquement chargé de sanctionner ce trafic doit être créé. L’Alliance Voahary Gasy, qui regroupe une trentaine d’associations de défense de l’environnement, avait alors salué cette avancée tout en rappelant qu’à Madagascar « le problème, ce n’est pas les lois mais leur application ».
Source: http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/01/14/madagascar-continue-de-fermer-les-yeux-sur-le-trafic-du-bois-de-rose_4847639_3212.html#PfjxymIBpX5sjmwJ.99
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