mardi 27 février 2018

Droit de l'homme à Madagascar: Extrait du Rapport d'Amnesty International

https://www.amnesty.org/fr/documents/pol10/6700/2018/fr/
Rapport d’Amnesty International 2018
MADAGASCAR
République de Madagascar
Chef de l’État : Hery Rajaonarimampianina Chef du gouvernement : Olivier Mahafaly Solonandrasana
Dans un contexte de pauvreté généralisée, l’accès à la nourriture, à l’eau, aux soins de santé et à l’éducation était restreint. Les conditions carcérales demeuraient difficiles et il était toujours fait un usage excessif de la détention provisoire. Cette année encore, le système judiciaire a été utilisé pour harceler et intimider des défenseurs des droits humains et des journalistes, en particulier ceux qui travaillaient sur des questions liées à l’environnement ou à la corruption, ainsi que pour limiter leur liberté d’expression.
CONTEXTE
Une épidémie de peste pulmonaire, dont les premiers cas ont été signalés en août, a sévi tout au long de l’année dans des zones rurales et urbaines. Sur les 2 348 cas déclarés entre le 1er août et le 22 novembre, 202 se sont soldés par la mort de la personne contaminée.
SURVEILLANCE INTERNATIONALE
En juillet, le Comité des droits de l’homme de l’ONU s’est dit préoccupé par diverses violations des droits humains, en particulier par l’usage excessif de la force que faisait la police contre des voleurs présumés de bétail (dahalos) et par des attaques commises en représailles par les forces de sécurité après l’homicide de deux policiers par des villageois de la commune d’Antsakabary, dans le nord du pays.
Le Comité a demandé à Madagascar d’allouer immédiatement à la Commission nationale des droits de l’homme un budget autonome et suffisant lui permettant d’accomplir son mandat. Il a également recommandé au gouvernement d’accélérer la création du Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit, qui avait notamment pour mission de promouvoir et de protéger les droits humains, et de doter cette institution d’une autonomie financière.
SYSTÈME JUDICIAIRE
Le système de justice pénale restait gravement déficient et ne garantissait pas le droit à une procédure régulière. Il était toujours fait un usage excessif de la détention provisoire, en dépit de dispositions de la Constitution et du Code de procédure pénale prévoyant que cette mesure ne pouvait être prise qu’à titre exceptionnel, pour des raisons spécifiques ; 60 % des détenus étaient en attente de leur procès. Malgré les dispositions constitutionnelles garantissant le droit d’être défendu par un avocat à tous les stades de la procédure, sans que l’insuffisance de ressources puisse y faire obstacle, des avocats ont indiqué ne pas avoir été indemnisés pour les prestations qu’ils avaient fournies dans le cadre de l’aide juridictionnelle, notamment la représentation du bénéficiaire pendant son procès. Certains ont également confié qu’on les avait empêchés d’exercer leurs fonctions. En pratique, l’aide juridictionnelle avant le procès n’était pas accessible.
DÉTENTION
Le gouvernement a autorisé des ONG internationales, ainsi que la Commission nationale des droits de l’homme, à visiter des centres de détention.
Une forte surpopulation régnait dans les prisons et les conditions de détention y étaient inhumaines. Les prisonniers étaient sous-alimentés et mal soignés. Les W.-C. et les douches ne fonctionnaient pas correctement et, dans certaines prisons, les égouts étaient à ciel ouvert, ce qui exposait les détenus au risque de contracter des maladies. Les établissements pénitentiaires du pays n’avaient pour la plupart pas subi les rénovations nécessaires depuis plus de 60 ans. Les infrastructures étaient délabrées, mettant parfois la vie des prisonniers en danger. En juillet, quatre détenus sont morts à la suite de l’effondrement d’un mur de la maison centrale d’Antsohihy, dans le nord du pays.
Des familles ont affirmé avoir été contraintes à verser des pots-de-vin pour pouvoir rendre visite à leurs proches emprisonnés, alors que ces derniers comptaient sur elles pour se nourrir.
La prison d’Antanimora, située dans la capitale, Antananarivo, hébergeait le plus grand nombre de détenus dans le pays, soit 2 850 personnes, un chiffre trois fois supérieur à sa capacité d’accueil initiale. Trois grands facteurs expliquaient la surpopulation carcérale : le nombre élevé de personnes en attente de leur jugement, l’inefficacité du système judiciaire et les retards considérables dans les procès. Certaines personnes avaient passé jusqu’à cinq années en prison avant de comparaître en justice.
Au mépris des normes internationales, des détenus condamnés étaient incarcérés dans les mêmes locaux que des personnes en détention provisoire. Dans la prison de sécurité maximale de Tsiafahy, près d’Antananarivo, on dénombrait en juillet
396 personnes en attente de leur jugement, détenues aux côtés de prisonniers condamnés, dans des conditions inhumaines, alors qu’aux termes de la Loi nationale n° 2006-015, cet établissement ne devait accueillir que des personnes condamnées à la réclusion à perpétuité ou des détenus considérés comme dangereux. La nécessité de séparer les mineurs des adultes n’était pas respectée dans toutes les prisons.
LIBERTÉ DE RÉUNION
Des manifestations pacifiques ont été réprimées. Des organisations de la société civile ont affirmé que les autorités avaient interdit des manifestations au motif qu’elles
« risquaient fort de troubler l’ordre public ». Deux mouvements de la société civile, Wake- Up Madagascar et le SeFaFi (Observatoire de la vie publique à Madagascar), qui œuvre à l’amélioration des processus démocratiques dans le pays, ont critiqué en juin l’interdiction de manifester sur la voie publique pendant un mois. Le gouvernement a déclaré que cette mesure était nécessaire pour protéger l’ordre public lors des célébrations de la fête nationale, le 26 juin.
En juillet, la police a mis un terme à une manifestation organisée par le Mouvement pour la liberté d’expression à l’occasion du premier anniversaire de l’adoption de la loi instaurant un nouveau Code de la communication médiatisée, qui prévoit de lourdes amendes pour des infractions telles que l’outrage, la diffamation ou l’injure envers des agents de l’autorité publique.
DÉFENSEURES ET DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
Les défenseurs des droits humains qui s’opposaient à des projets d’exploitation des ressources naturelles ou qui accusaient de corruption des représentants de l’État risquaient tout particulièrement de subir des actes de harcèlement, d’être arrêtés sur la base d’accusations forgées de toutes pièces ou de faire l’objet d’autres violations dans le cadre du système pénal. Le militant écologiste Clovis Razafimalala a été libéré en juin, après avoir passé 10 mois en détention provisoire à la prison de Tamatave pour avoir organisé une manifestation qui a dégénéré en violences. En juillet, le tribunal de Tamatave l’a condamné à une peine de cinq ans d’emprisonnement avec sursis1. Le 27 septembre, le militant écologiste Raleva a été placé en garde à vue au poste de police de Mananjary, dans le sud-ouest du pays, après avoir remis en question la légalité des activités minières d’une entreprise chinoise dans la région de Mananjary2. Il a ensuite été transféré à la prison de Mananjary. Le
26 octobre, le tribunal de Mananjary l’a déclaré coupable d’usurpation du titre de « chef de district », le condamnant à une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
L’avortement restait une infraction pénale en toutes circonstances aux termes de
l’article 317 du Code pénal. Les personnes ayant pratiqué ou tenté de pratiquer un avortement s’exposaient à une lourde amende et à une peine allant jusqu’à 10 ans de privation de liberté. Les professionnels de santé donnant des informations sur les moyens de se faire avorter risquaient d’être emprisonnés et de se voir infliger une amende, mais aussi d’être suspendus de leurs fonctions pendant au moins cinq ans, voire à vie. Les femmes qui cherchaient à obtenir une IVG ou en avaient subi une étaient elles aussi passibles d’une lourde amende et d’une peine allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement. Plusieurs femmes ont été envoyées en prison pour des infractions liées à l’avortement au cours
de l’année.
En juillet, le gouvernement a indiqué qu’il travaillait sur un projet de loi qui ferait de l’avortement une infraction mineure.
Plus tard en juillet, à l’issue de l’examen du quatrième rapport périodique de Madagascar, le Comité des droits de l’homme a recommandé au pays de dépénaliser l’avortement, ainsi que de redoubler d’efforts pour améliorer l’accès des femmes aux services de santé en matière de sexualité et de procréation.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire


Le GTT INTERNATIONAL, collectif de la diaspora malagasy, dont le siège est à Genève (CH), poursuit un double objectif: la restauration de l'Etat de droit et le rétablissement de la Démocratie à Madagascar. Il prône et oeuvre pour la liberté d'expression, la prise de conscience citoyenne et la mise en place d'une vraie démocratie dont l'exigence première est la tenue d'un processus électoral inclusif, libre et transparent ".