https://www.amnesty.org/fr/documents/pol10/6700/2018/fr/
Rapport d’Amnesty International 2018
MADAGASCAR
République de Madagascar
Chef de l’État : Hery
Rajaonarimampianina Chef du gouvernement : Olivier Mahafaly Solonandrasana
Dans un contexte de pauvreté généralisée, l’accès à
la nourriture, à l’eau, aux soins de santé et à l’éducation était restreint.
Les conditions carcérales demeuraient difficiles et il était toujours fait un
usage excessif de la détention provisoire. Cette année encore, le système
judiciaire a été utilisé pour harceler et intimider des défenseurs des droits
humains et des journalistes, en particulier ceux qui travaillaient sur des
questions liées à l’environnement ou à la corruption, ainsi que pour limiter
leur liberté d’expression.
CONTEXTE
Une épidémie de peste pulmonaire, dont les premiers
cas ont été signalés en août, a sévi tout au long de l’année dans des zones
rurales et urbaines. Sur les 2 348 cas déclarés entre le 1er août et le 22 novembre,
202 se sont soldés par la mort de la personne contaminée.
SURVEILLANCE INTERNATIONALE
En juillet, le Comité des droits de l’homme de
l’ONU s’est dit préoccupé par diverses violations des droits humains, en
particulier par l’usage excessif de la force que faisait la police contre des
voleurs présumés de bétail (dahalos) et par des attaques commises en
représailles par les forces de sécurité après l’homicide de deux policiers par
des villageois de la commune d’Antsakabary, dans le nord du pays.
Le Comité a demandé à Madagascar d’allouer
immédiatement à la Commission nationale des droits de l’homme un budget
autonome et suffisant lui permettant d’accomplir son mandat. Il a également
recommandé au gouvernement d’accélérer la création du Haut Conseil pour la
défense de la démocratie et de l’état de droit, qui avait notamment pour
mission de promouvoir et de protéger les droits humains, et de doter cette
institution d’une autonomie financière.
SYSTÈME JUDICIAIRE
Le système de justice pénale restait gravement
déficient et ne garantissait pas le droit à une procédure régulière. Il était
toujours fait un usage excessif de la détention provisoire, en dépit de
dispositions de la Constitution et du Code de procédure pénale prévoyant que
cette mesure ne pouvait être prise qu’à titre exceptionnel, pour des raisons
spécifiques ; 60 % des détenus étaient en attente de leur procès. Malgré les
dispositions constitutionnelles garantissant le droit d’être défendu par un
avocat à tous les stades de la procédure, sans que l’insuffisance de ressources
puisse y faire obstacle, des avocats ont indiqué ne pas avoir été indemnisés
pour les prestations qu’ils avaient fournies dans le cadre de l’aide
juridictionnelle, notamment la représentation du bénéficiaire pendant son
procès. Certains ont également confié qu’on les avait empêchés d’exercer leurs
fonctions. En pratique, l’aide juridictionnelle avant le procès n’était pas
accessible.
DÉTENTION
Le gouvernement a autorisé des ONG internationales,
ainsi que la Commission nationale des droits de l’homme, à visiter des centres
de détention.
Une forte surpopulation régnait dans les prisons et
les conditions de détention y étaient inhumaines. Les prisonniers étaient
sous-alimentés et mal soignés. Les W.-C. et les douches ne fonctionnaient pas
correctement et, dans certaines prisons, les égouts étaient à ciel ouvert, ce
qui exposait les détenus au risque de contracter des maladies. Les
établissements pénitentiaires du pays n’avaient pour la plupart pas subi les
rénovations nécessaires depuis plus de 60 ans. Les infrastructures étaient
délabrées, mettant parfois la vie des prisonniers en danger. En juillet, quatre
détenus sont morts à la suite de l’effondrement d’un mur de la maison centrale
d’Antsohihy, dans le nord du pays.
Des familles ont affirmé avoir été contraintes à
verser des pots-de-vin pour pouvoir rendre visite à leurs proches emprisonnés,
alors que ces derniers comptaient sur elles pour se nourrir.
La prison
d’Antanimora, située dans la capitale, Antananarivo, hébergeait le plus grand
nombre de détenus dans le pays, soit 2 850 personnes, un chiffre trois fois
supérieur à sa capacité d’accueil initiale. Trois grands facteurs expliquaient
la surpopulation carcérale : le nombre élevé de personnes en attente de leur
jugement, l’inefficacité du système judiciaire et les retards considérables
dans les procès. Certaines personnes avaient passé jusqu’à cinq années en
prison avant de comparaître en justice.
Au mépris des normes internationales, des détenus
condamnés étaient incarcérés dans les mêmes locaux que des personnes en
détention provisoire. Dans la prison de sécurité maximale de Tsiafahy, près
d’Antananarivo, on dénombrait en juillet
396 personnes en attente de leur
jugement, détenues aux côtés de prisonniers condamnés, dans des conditions
inhumaines, alors qu’aux termes de la Loi nationale n° 2006-015, cet
établissement ne devait accueillir que des personnes condamnées à la réclusion
à perpétuité ou des détenus considérés comme dangereux. La nécessité de séparer
les mineurs des adultes n’était pas respectée dans toutes les prisons.
LIBERTÉ DE RÉUNION
Des manifestations pacifiques ont été réprimées.
Des organisations de la société civile ont affirmé que les autorités avaient
interdit des manifestations au motif qu’elles
« risquaient fort de troubler
l’ordre public ». Deux mouvements de la société civile, Wake- Up Madagascar et
le SeFaFi (Observatoire de la vie publique à Madagascar), qui œuvre à
l’amélioration des processus démocratiques dans le pays, ont critiqué en juin
l’interdiction de manifester sur la voie publique pendant un mois. Le gouvernement a déclaré que cette mesure
était nécessaire pour protéger l’ordre public lors des célébrations de la fête
nationale, le 26 juin.
En juillet, la police a mis un terme à une
manifestation organisée par le Mouvement pour la liberté d’expression à
l’occasion du premier anniversaire de l’adoption de la loi instaurant un
nouveau Code de la communication médiatisée, qui prévoit de lourdes amendes
pour des infractions telles que l’outrage, la diffamation ou l’injure envers
des agents de l’autorité publique.
DÉFENSEURES ET DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
Les défenseurs des droits humains qui
s’opposaient à des projets d’exploitation des ressources naturelles ou qui
accusaient de corruption des représentants de l’État risquaient tout
particulièrement de subir des actes de harcèlement, d’être arrêtés sur la base
d’accusations forgées de toutes pièces ou de faire l’objet d’autres violations
dans le cadre du système pénal. Le militant écologiste Clovis Razafimalala a
été libéré en juin, après avoir passé 10 mois en détention provisoire à la
prison de Tamatave pour avoir organisé une manifestation qui a dégénéré en
violences. En juillet, le tribunal de Tamatave l’a condamné à une peine de cinq
ans d’emprisonnement avec sursis1. Le 27 septembre, le militant écologiste Raleva a
été placé en garde à vue au poste de police de Mananjary, dans le sud-ouest du
pays, après avoir remis en question la légalité des activités minières d’une
entreprise chinoise dans la région de Mananjary2. Il a ensuite été transféré à la
prison de Mananjary. Le
26 octobre, le tribunal de Mananjary l’a déclaré
coupable d’usurpation du titre de « chef de district », le condamnant à une
peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
L’avortement restait une infraction pénale en
toutes circonstances aux termes de
l’article 317 du Code pénal. Les personnes
ayant pratiqué ou tenté de pratiquer un avortement s’exposaient à une lourde
amende et à une peine allant jusqu’à 10 ans de privation de liberté. Les
professionnels de santé donnant des informations sur les moyens de se faire
avorter risquaient d’être emprisonnés et de se voir infliger une amende, mais
aussi d’être suspendus de leurs fonctions pendant au moins cinq ans, voire à
vie. Les femmes qui cherchaient à obtenir une IVG ou en avaient subi une
étaient elles aussi passibles d’une lourde amende et d’une peine allant jusqu’à
deux ans d’emprisonnement. Plusieurs femmes ont été envoyées en prison pour des
infractions liées à l’avortement au cours
de l’année.
En juillet, le gouvernement a indiqué qu’il
travaillait sur un projet de loi qui ferait de l’avortement une infraction
mineure.
Plus tard en juillet, à l’issue de l’examen du
quatrième rapport périodique de Madagascar, le Comité des droits de l’homme a
recommandé au pays de dépénaliser l’avortement, ainsi que de redoubler
d’efforts pour améliorer l’accès des femmes aux services de santé en matière de
sexualité et de procréation.
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