mercredi 26 septembre 2018

Les secrets d’un exilé hors pair

Source Midi Madagascar

La biographie et le parcours professionnel et politique de Marc Ravalomanana ne sont plus à présenter à ses concitoyens. L’homme a un destin extraordinaire. Né le 12 décembre 1949 à Imerinkasinina, Marc Ravalomanana est un autodidacte et « self-made-man ». Vendeur de lait au début, il est devenu grand capitaine d’industrie. Il a fondé à partir de rien l’empire Tiko, un groupe investissant dans l’agro-alimentaire. Il a aussi fondé le Groupe MBS (télévision et radio) en 2001. Sur le plan politique, Marc Ravalomanana a été élu maire de la Capitale de Madagascar en 1999. En 2002, il a été élu président de la République. Marc Ravalomanana n’a pas pu terminer son second mandat à cause du coup d’Etat de 2009. Actuellement, il fait partie des 36 candidats à l’élection présidentielle du 7 novembre 2018.
Ce qui reste cependant dans le domaine du mystère, ce sont les péripéties de son départ en exil forcé le 17 mars 2009 et de son retour énigmatique au pays le lundi 13 octobre 2014. Durant notre entretien à son domicile à Faravohitra, Marc Ravalomanana a accepté de livrer des secrets et de faire des confidences sur ces deux moments forts de ses aventures politiques.
Coups de téléphone. D’un voyage officiel en Afrique du Sud, Marc Ravalomanana était rentré au pays le 25 janvier 2009. Le lendemain, les deux chaînes nationales publiques (TVM et RNM) et ses propriétés (radio et télévision MBS, Tiko, Magro…) se trouvant aussi bien dans la Capitale qu’en province ont été pillées et incendiées par des manifestants du « Mouvement Orange ». C’était un « Lundi Noir ». « Après ces pillages, on a mobilisé les manifestants pour prendre le Palais présidentiel d’Ambohitsorohitra alors que les leaders du mouvement savaient bien qu’ils allaient violer une zone rouge. J’étais à ce moment-là au Palais d’Iavoloha avec ma famille »,rappelle Marc Ravalomanana. Avant de révéler : « Après la prise du Palais d’Ambohitsorohitra, les manifestants de la Place du 13 Mai voulaient aussi prendre le Palais d’Iavoloha. Le colonel Charles Andrianasoavina a téléphoné à mes collaborateurs et leur a sommé de libérer le Palais. Monja Roindefo m’a aussi passé un coup de fil et m’a demandé de quitter Iavoloha, mais j’ai refusé. Une foule était venue au rond-point d’Iavoloha pour nous protéger. Durant ces moments, moi et les membres de ma famille, n’avons eu de cesse de prier Dieu pour nous soutenir dans notre combat. »
17 mars et Directoire militaire. D’après les témoignages de Marc Ravalomanana, les harcèlements se sont poursuivis après son refus de quitter le Palais d’Etat d’Iavoloha. « On a fait exploser des grenades pour disperser la foule déterminée qui nous a manifesté son soutien. On a même entendu des coups de feu. Au Palais, pour renforcer la sécurité de ma famille, j’ai fait appel à des gardes du corps sud-africains. Malheureusement, le directeur de la sécurité présidentielle était déjà en contact avec les assaillants et il a tout fait pour convaincre ces gardes du corps sud-africains de ne pas agir en cas d’assaut »affirme-t-il. Avant de rajouter : « Mais, finalement, j’ai cédé à la pression. Car des coups de feu ne cessaient de retentir au-dessus du toit du Palais présidentiel.  De fortes détonations ont été entendues aux alentours. Les membres de ma famille étaient traumatisés. J’ai décidé alors le 17 mars 2009 de faire rédiger une Ordonnance qui me permettait de transférer les pouvoirs à un Directoire militaire. Tiébilé Dramé, émissaire du Secrétaire Général des Nations Unies, et l’ambassadeur des Etats-Unis Niels Marquardt étaient venus à Iavoloha pour prendre cette Ordonnance. La suite s’est passée le même jour à l’Episcopat à Antanimena. Je peux affirmer que Norbert Lala Ratsirahonana était le cerveau du coup d’Etat de mars 2009. Les éléments constitutifs d’un coup d’Etat, appelés aussi D.I.M.E (Diplomat, Ideology, Military, Economy), étaient réunis. Il y avait des diplomates qui ont manœuvré avec des militaires du CAPSAT, une idéologie a été également véhiculée – l’idéologie Orange -, et des opérateurs économiques ont financé toutes les opérations. »
RN7 et hélicoptère de Sarkozy. « Sans coup d’Etat, je n’aurais pas quitté mon pays. L’objectif de ce coup d’Etat était de m’empêcher d’organiser le Sommet de la Francophonie et celui de l’Union Africaine », réitère Marc Ravalomanana. Selon les témoignages de ce dernier, lui et sa famille ont été obligés de quitter le Palais présidentiel d’Iavoloha la nuit du 17 mars 2009. « Ce départ a été organisé par la SADC et le gouvernement sud-africain. Nous avons emprunté la Route Nationale 7 (RN7), puis nous avons rejoint Morondava en passant par Miandrivazo. A Morondava, nous avons pris un aéronef qui nous a transportés en Afrique du Sud. Une fois arrivé en Afrique du Sud, j’ai reçu un coup de fil du président du Sénégal Abdoulaye Wade qui m’a fait savoir que le président français Nicolas Sarkozy était prêt à envoyer un hélicoptère pour me prendre à Madagascar. Heureusement que je n’ai pas pris cette option à risques car sinon, on nous aurait conduit à La Réunion, via Mayotte », révèle Marc Ravalomanana.
Aéroport d’Ivato. Parti en exil en mars 2009, le fondateur de l’Empire Tiko n’est rentré au pays que le 13 octobre 2014, après l’élection de Hery Rajaonarimampianina à la présidence de la République. Des mystères entourent jusqu’à présent ce retour considéré comme étant clandestin par bon nombre d’observateurs. Mais pour l’intéressé, ce retour est tout à fait normal dans la mesure où des responsables étaient au courant de son intention de rentrer dans son pays. « Le 22 mai 2014, le président Hery Rajaonarimampianina, accompagné de son conseiller Solofo Rasoarahona, étaient venus me voir en Afrique du Sud. Il m’a promis de restituer mon passeport pour que je puisse rentrer à Madagascar. Des mois ont passé, mais rien n’a été fait dans ce sens. J’ai même envoyé à Madagascar Brian Currin, mon collaborateur, pour récupérer mon passeport, mais la mission a échoué. Après ces échecs, j’ai pris la décision de faire un forcing. J’ai d’abord discuté avec des Chefs d’Etat de la SADC, dont en particulier le président sud-africain Jacob Zuma et le président tanzanien Jakaya Kikwete. Ils m’ont dit que pour ce retour, il me fallait un passeport que ma sécurité soit assurée et qu’il me fallait des moyens de transport. J’en ai pris note. Pour pouvoir rentrer à Madagascar, j’avais trois options. Soit, je prenais un vol de la compagnie Airlink. Soit, je prenais Kenya Airways. Soit, je louais un avion privé. Je ne vous dis pas laquelle de ces trois possibilités j’ai choisi. Ce que je peux vous affirmer, c’est que l’aéronef qui m’a transporté n’a pas atterri à Antsirabe, contrairement à ce qu’on a essayé de faire croire. On m’a déposé à l’aéroport international d’Ivato  à l’aube du 13 octobre 2014. Un passeport appartenant à un certain Mohamed m’a permis de passer le contrôle de la Police des Frontières »révèle Marc Ravalomanana.
A bord d’un taxi. « Après l’aéroport international d’Ivato, j’ai immédiatement rejoint l’hôtel Carlton à Anosy.  Jusque-là, personne ne savait encore que j’étais déjà à Madagascar, même ma femme », confie le candidat du TIM à l’élection présidentiel du 7 novembre. Avant de poursuivre : « Ce 13 octobre 2014 à 4h du matin au Carlton, j’ai fait appel à un taxi qui m’a permis de faire le tour de la ville d’Antananarivo pour constater de visu les réalités locales six ans après mon départ en exil forcé. Après ce tour de ville, j’ai rejoint mon domicile à Faravohitra, là où j’ai retrouvé ma famille à la grande surprise de cette dernière. » Mais Marc Ravalomanana n’a pas pu rester longtemps à Faravohitra. Le même jour, après avoir rencontré ses partisans, des éléments du GSIS armés jusqu’aux dents y ont fait irruption. Ils ont même forcé la porte d’entrée en tirant à balles réelles.  Marc Ravalomanana a été violemment arrêté et certains de ses partisans ont fait l’objet d’actes d’agression perpétrés par ces éléments des forces de l’ordre. Ce n’est que le lendemain qu’on a su que l’ancien exilé d’Afrique du Sud a été placé en résidence surveillée à l’hôtel « Amirauté » à Diégo Suarez, dans l’extrême nord du pays.
Elu personnalité africaine de l’année 2017 pour le Leadership politique
L’envergure internationale de Marc Ravalomanana a été prouvée par le fait qu’il ait été élu « personnalité africaine de l’année 2017 pour le Leadership politique », une élection organisée par le « African Leadership Magazine ». Dans cette élection, il avait comme adversaires d’éminentes personnalités du continent africain, dont le président du Kenya Uhuru Kenyatta, l’ancienne présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf (première femme chef d’Etat en Afrique), et l’opposant sud-africain Julius Malema. Pour les 288 000 personnes qui ont participé au vote, Marc Ravalomanana est « un africain dont la contribution a immensément contribué à l’approfondissement de la démocratie et des valeurs démocratiques sur le Continent ». Par rapport au Prix qu’il a remporté, le président national du TIM de réagir en février 2018 : « Je veux que ce Prix soit le début de la réussite, pas la fin. Je l’accepte comme un engagement envers le peuple de Madagascar avec qui je vais travailler pour changer notre histoire. Nous avons été divisés par la politique. Madagascar, comme beaucoup de pays africains, a subi un coup d’Etat violent et illégal. Il nous a plongés dans une politique destructive, qui a accru la pauvreté et le désespoir.  Madagascar mérite mieux. Cela mérite un changement. L’Afrique aussi. Envoyons un message d’espoir au monde. »
Propos recueillis par R. Eugène

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