MADAGASCAR: Halte au soutien financier
d’un hold up électoral en perspective
Faisant fi des recommandations des organisations de la
mission de suivi électoral (1), Madagascar s’achemine assurément vers une
situation mettant gravement en danger la stabilité du pays.
En effet, malgré les mises en garde de la société
civile et des partis de l’opposition en cette période pré-électorale, le
président Rajoelina a mis au point une véritable machine à violations des
règles électorales en sa faveur. Et tous les moyens sont bons pour arriver à
ses fins, y compris la manipulation de la Constitution et des institutions de
la République.
Les derniers faits relatés ci-après compromettent gravement la tenue d’une
élection démocratique, libre et transparente, avec comme conséquence une crise
pré et post électorale. Au regard des agissements de la Haute Cour
Constitutionnelle (HCC) de ces derniers jours, on peut en effet parler de coup
d’Etat institutionnel et constitutionnel :
- Violations de l’article 46 de la Constitution: Andry Rajoelina qui a
obtenu (par naturalisation, donc démarche volontaire) la nationalité
française depuis 2014, n’a pas pu fournir la preuve de sa nationalité
malgache réclamée par les partis d’opposition. Le dit document doit émaner
du tribunal de première instance comme l’exige la loi;
- Les
articles 42 et 43 alinéa 2 du Code
de nationalité (2) prévoient la perte de la nationalité malgache en cas
d'acquisition de nationalité étrangère. Le cas de M. Rajoelina entre bien
dans le cadre de cette disposition et ce, depuis 2014;
- La HCC a validé la citoyenneté malgache de M. Rajoelina au vu du
certificat émanant de la Ministre de la Justice et non du Président du
Tribunal de première instance, seul ayant qualité pour le délivrer
(article 87 du Code de la nationalité).
- La HCC a décidé unilatéralement que le gouvernement va «exercer
collégialement le pouvoir présidentiel» avec le premier ministre à sa
tête (3). Cette décision a été prise suite à l’empêchement du président du
Sénat qui devait assumer le rôle de chef d’état en cas de vacance de poste
du Président de la République (application de l’article 52 de la
Constitution) (4). Or, selon la Constitution, les raisons évoquées ne sont
pas recevables en tant qu'empêchement (art 50, art 51). L’ensemble de la
société civile condamne ce coup d'État constitutionnel de la part de l’Exécutif.
Sa validation par la HCC discrédite cette dernière censée être le
garant de la légalité.
Voici ce que dit la Cour: “Considérant que par lettre
enregistrée au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle le 08 septembre 2023,
le Président du Sénat a demandé à la Haute Cour de constater sa volonté de
renoncer à exercer les fonctions du Chef de l’Etat par intérim ; que pour des
raisons personnelles, il ne pourra pas exercer pleinement les charges que la
fonction de Chef de l’Etat exige”. (5)
L’indépendance et la capacité de la Commission
Électorale Nationale Indépendante (CENI) sont limitées en raison de sa
composition dont les membres sont majoritairement choisis par le chef de
l’Exécutif.
- En 2020, M. Rajoelina a fait adopter un amendement constitutionnel
pour ramener le nombre de sénateurs à 18 au lieu de 63 avant le
changement. Six sénateurs sur les 18 sont nommés directement par le
Président. Aussi, la configuration actuelle de la Haute assemblée est
dominée par le groupe présidentiel. C’est un recul patent de la démocratie
et surtout un affaiblissement du pouvoir législatif pour contrôler
l’Exécutif.
Toutes ces institutions impliquées dans le
processus électoral, sont sous la mainmise de M. Rajoelina et son équipe.
Elles constituent une organisation frauduleuse pour assurer sa
réélection.
Au vu de ce qui précède, nous ne pouvons pas aboutir à
des élections transparentes, crédibles et acceptées par tous. Les résultats qui
en ressortent, seront sujet à controverse et ne contribuent point à
l’instauration d’un climat d’apaisement et de confiance dont le pays a tant
besoin pour sortir de la grande misère actuelle.
Aussi, nous appelons instamment l’UE, le PNUD, l’OIF,
l’UA, la SADC et les membres de mission de suivi des élections à Madagascar, de
ne pas cautionner ni soutenir des élections reconnues à l’avance comme
biaisées et plus généralement, de revoir tout le dispositif du système
électoral, notamment de:
- refuser tout
financement d’une élection truquée sans l’assainissement des principales
institutions concernées et la restitution de l’ordre
constitutionnel;
- Constater et
condamner le coup d’Etat constitutionnel
- favoriser et
encourager la mise en œuvre d’une large concertation nationale incluant
l’ensemble de la société civile y compris la FFKM, reconnue comme autorité
morale, dans l'objectif de :
a. rétablir l’ordre constitutionnel;
b. créer un climat de confiance avant les élections;
c. garantir la mise en œuvre d’élections acceptées par tous
- s’assurer du respect de la liberté d'expression ainsi que des droits
civiques et politiques de tous les citoyens y inclus les journalistes.
Gtt
International Genève
https://gtt-international.blogspot.com/
Références :
(1) Rapport
et recommandation UE https://www.eeas.europa.eu/sites/default/files/moeuemada18_rapport_final_fr_0.pdf
(2) Code de Nationalité Malagasy
https://www.refworld.org/pdfid/4f5473682.pdf
Art. 42- Perd la nationalité malgache, le Malgache majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère.
Ne sont pas astreints à solliciter l’autorisation de
perdre la nationalité malgache :
1° Les exemptés du service militaire ;
2° Les titulaires d’une réforme définitive ;
3° Tous les hommes, mêmes insoumis, après l’âge où ils sont totalement dégagés des obligations du service militaire, conformément à la loi sur le recrutement de l’armée. art 87
Art. 87- Le président du tribunal civil ou le juge de section a seule qualité pour délivrer un certificat de nationalité malgache à toute personne justifiant qu’elle a cette nationalité.
(3) Décision n°12 de la HCC du 09 sept
2023 (article 3 et 4)
(4) Constitution Malagasy
http://www.mef.gov.mg/dgcf/textes-pdf/constitution/CONSTITUTION-IV.pdf
Article 46 -Tout
candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité
malagasy, jouir de ses droits civils et politiques, avoir au moins trente-cinq
ans à la date de clôture du dépôt des candidatures, résider sur le territoire
de la République de Madagascar depuis au moins six mois avant le jour de la
date limite fixée pour le dépôt des candidatures.
Le Président de la République en exercice
qui se porte candidat aux élections Présidentielles démissionne de son poste
soixante jours avant la date du scrutin présidentiel. Dans ce cas, le Président
du Sénat exerce les attributions présidentielles courantes jusqu’à
l’investiture du nouveau Président.
Dans le cas où le Président du Sénat
lui-même se porte candidat, les fonctions de Chef de l’Etat sont exercées par
le Gouvernement, collégialement.
Il est interdit à toute personnalité
exerçant un mandat public ou accomplissant des fonctions au sein des
Institutions et candidat à l'élection présidentielle, d'user à des fins de
propagande électorale, de moyens ou de prérogatives dont elle dispose du fait
de ses fonctions. La violation qui en serait constatée par la Haute Cour
constitutionnelle constitue une cause d’invalidation de la candidature.
Article 50 -
L'empêchement temporaire du Président de la République est déclaré par la Haute
Cour Constitutionnelle, saisie par l’Assemblée Nationale, statuant à la
majorité des deux tiers de ses membres, pour cause d'incapacité physique ou
mentale d'exercer ses fonctions dûment établies.
En cas d’empêchement temporaire, les
fonctions de Chef de l’Etat sont provisoirement exercées par le Président du
Sénat.
Article 51 -La levée de l'empêchement temporaire est décidée par la Haute Cour Constitutionnelle sur saisine du Parlement. L'empêchement temporaire ne peut dépasser une période de trois mois, à l'issue de laquelle la Haute Cour Constitutionnelle, sur saisine du Parlement statuant par vote séparé de chacune des Assemblées et à la majorité des deux tiers de ses membres, peut se prononcer sur la transformation de l'empêchement temporaire en empêchement définitif.
Article 52 -
Par suite de démission, d’abandon du pouvoir sous quelque forme que ce soit, de
décès, d’empêchement définitif ou de déchéance prononcée, la vacance de la
Présidence de la République est constatée par la Haute Cour
Constitutionnelle.
Dès la constatation de la vacance de la
présidence, les fonctions du Chef de l’Etat sont exercées par le Président du
Sénat.
En cas d’empêchement du Président du Sénat constatée par la Haute Cour Constitutionnelle, les fonctions de Chef de l’Etat sont exercées collégialement par le Gouvernement.
(5) Considérant n°4 de la décision n°12 de
la HCC du 09 sept 2023
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