samedi 29 septembre 2012
Interview de Henri Roger Ranaivoson
INTERVIEW – L’HEBDO DE MADAGASCAR
Henri Roger Ranaivoson, ex-Chief of Staff
Quelle lecture faites-vous des débats autour du retour au pays du Président Marc Ravalomanana?
Devant la situation générale qui prévaut actuellement à Madagascar, en particulier les débats sur le retour du Pdt Marc Ravalomanana, j’explore les vertiges de l’irréalisme. Les débats demeurent statiques et la position des 2 parties, clan HAT et clan Pdt Ravalomanana, reste diamétralement opposée et irréconciliable.
La HAT, de par de ses paroles et ses agissements, refusent catégoriquement le retour du Président Ravalomanana quelque soit le prix, car elle pense avoir « la raison du plus fort » et le monopole de la vérité. La SADC dans son communiqué de Sandton le 11 juin 2011 et avec la signature de la FDR le 17 septembre 2011 a demandé avec insistance au Président de la Transition et au Gouvernement de créer un environnement sécuritaire et apaisé pour garantir le retour sans conditions des exilés politiques, y compris le Pdt Marc Ravalomanana. Rien n’est fait. Ils ont plutôt créé un vide sécuritaire sans nom dans toute l’histoire du pays, d’où leur inaptitude, leur incapacité, leur mauvaise foi et manque de volonté d’aller dans la bonne direction. La Présidence de la Transition sait pertinemment que Marc Ravalomanana, candidat à la magistrature suprême, est pratiquement imbattable devant la dégradation de la vie socio-politico-économique engendrée par le coup d’État du 17 mars 2009.
Le Président RAVALOMANANA, de par son droit inaliénable, espère un retour sans conditions sous l’égide de la SADC et la communauté internationale. L’article 20 de la FDR est têtu tandis que l’article 45, alinéa 2 et 3, n’est pas applicable à cause de l’instrumentalisation de la justice dans un État de NON DROIT, JUSTICE des vainqueurs. En effet, quoiqu’on dise, il y avait bel et bien un COUP D’ÉTAT le 17 mars 2009 à Madagascar avec l’aide des forces armées : mutinerie au CAPSAT, sortie des armement lourds (tanks, lance roquettes, mutins prêts à tout à Ambohitsorohitra et à Iavoloha), forcing inconstitutionnel à l’Episcopat d’Antanimena. Il n’existe pas de jurisprudence en matière constitutionnelle car l’effondrement de l’État de droit est le principal caractéristique d’un coup d’État. Ce n’est pas à force de raconter des mensonges qu’on finit par en faire une vérité, loin de là; le coup de force du 07 février a été prémédité avec une intention criminelle, donc condamnable. Les événements du 26 janvier 2009 avec les pillages et l’incendie de Tiko, Magro, RNM et TVM, ont été organisés pour préparer le coup du 07 février. La nuit du long couteau du 06 février à Ambatobe abondait dans le sens qu’il faut que le sang coule pour espérer savourer la victoire (Cf Reportage de France 24). Les gardes présidentielles n’ont pas besoin de l’avis du Pdt Ravalomanana pour protéger les biens de l’État en cas de force majeure. Bref, tout a été conçu pour éliminer même physiquement Marc Ravalomanana mais heureusement Dieu est le seul maître de la vie.
Vous ne croyez donc pas au retour de Marc Ravalomanana?
Tant que la SADC tergiverse dans ses décisions de prendre le taureau par les cornes,
Tant que les seules compétences partisanes du PT Andry Rajoelina sont aux commandes de la Transition,
Tant que les Forces Armées entrent dans la danse,
je suis sceptique et j’ai des doutes raisonnables sur un possible retour du Pdt Marc Ravalomana au pays de ses ancêtres dans un délai raisonnable. A la lecture des événements, on n’a pas besoin d’être un futurologue pour y croire. 25% des résultats se situent actuellement au niveau des lobbys extérieurs mais 75% se passent sur le terrain, et sur le terrain la HAT tient les rênes du pouvoir et le nerf de la guerre pour nuire à toute avancée vers une paix durable, car Madagascar et ses 20 millions de population ont besoin de solutions durables. Si la SADC et la CI traînent sur le RETOUR de Marc RAVALOMANANA, Président élu démocratiquement, ils sont en train de légitimer le coup d’État de mars 2009. J’ose même dire qu’un plan machiavélique aurait été concocté au plus haut niveau pour plonger le pays dans un chaos pour empêcher le retour de l’ancien Président et les membres de sa famille.
Votre interprétation de la position des forces armées.
Depuis le début de la crise, une partie des Forces Armées, se disant « tandroka aron’ny vozona », s’aventuraient dans un terrain « miné ». Elles ont fait fausse route en s’engageant comme partenaires et partie prenante du coup d’État. A mon humble avis, « they are not the right people at the right place » en bloquant la sortie de crise prônée par la CI. Les gangrènes de la corruption au sein de la Grande Muette sont archi-connues, si bien que redorer le blason et la confiance des Forces armées dans le vécu collectif des citoyens sera difficile tant qu’il n’y aurait pas une véritable révolution et un retour aux vraies valeurs au sein des Forces armées, entre autres le changement de mentalité, le sens du devoir et le véritable amour de la patrie. Ou elles sont utilisées par les politiciens pour pouvoir rester éternellement au pouvoir ou elles utilisent les politiciens pour s’enrichir ou les deux à la fois.
Qu’attendez-vous de la prise de décision de la Troika de la SADC la semaine prochaine?
Pour secouer la SADC de sa torpeur, j’ose vous dire que je n’attends aucune prise de décision de la SADC sinon le vieux refrain d’antan. La lenteur et la non fermeté de la SADC depuis le début ainsi que ses communiqués ambigus et sans suite ont nui à la crédibilité de l’organisation. Quand son Secrétaire exécutif, Dr Tomaz Salomao a mal interprété les décisions des 14 Chefs d’État et de Gouvernement à Sandton le 11 juin 2011 et a rendu public ses excuses seulement le 14 septembre 2011, il y a un grave problème. Étant mozambicain, il avait engagé des compatriotes (Dr Joakim Chissano et Dr Simao) incapables de faire sortir notre pays de l’auberge. Ces Docteurs ont aggravé la « maladie » qui ronge le pays. Ils auraient dû être relevés depuis belle lurette de leurs fonctions en jouant sur la vie des 20 millions de malgaches. Si l’Afrique du Sud, première puissance régionale et continentale, n’a pu faire grand’chose en tant qu’ancien leader de la Troika, je vois mal la Tanzanie, nouveau responsable de la Troika depuis le 17 août dernier, mieux faire. Souhaitons-la quand même bonne chance!
Peut-on craindre de l’allongement de la Transition dans le temps?
La Transition supposée être terminée en 24 mois a perduré jusqu’à son 43e mois en ce mois de septembre 2012 et rien ne dit qu’elle va se terminer en mai 2013. Le régime y trouve son compte au sens propre comme au figuré. N’oublions pas que la Grèce des années 1960 a connu une transition de 15 ans qui ont abouti à la dictature des colonels de 1967 à 1974.
Les élections à venir seront-elles reconnues par la Communauté internationale?
La prescription criée sur tous les toits pour sortir de cette impasse n’est autre que les élections. Andry Rajoelina lui-même a déjà fait des déclarations tonitruantes 5 fois en voulant organiser des élections. Rien n’y fait et ses promesses n’on jamais été tenues. Mais les élections à elles seules ne résoudront pas la crise. Il faudrait des préalables incontournables: apaisement, retour des exilés sans exception, réconciliation nationale et grand pardon. La position des États-Unis d’Amérique annoncée la semaine dernière par Johnnie Carson, sous-secrétaire d'État américain, laisse entrevoir la non reconnaissance des élections si les principes universellement reconnus ne sont pas respectés entre autres l’inéligibilité du responsable d’un coup d’État (cf Charte africaine de la démocratie, des élections et de la Gouvernance, Article 4, UA le 30/07/2007) mais aussi sur le droit de tout un chacun de se présenter aux élections entre autres la candidature de l'ex-Président. Il n’y a pas que les Étas-Unis qui posent des conditions pour financer ces élections. Les Bailleurs donnent toujours des promesses sous conditions et jusqu’à nouvel ordre, rien n’est acquis sauf la date et quelques miettes. Le Canada soupçonne la HAT de raquetter Sherrytt pour les 71 millions de $ prévus pour l’organisation des élections et pour pouvoir se passer de la CI. Mais le Canada n’est pas Wisco (Chine) qui a octroyé 100 millions de dollars sans droit de regard. Sherrytt, sous pression, a reservé 100 millions de $ mais pas pour les élections : 75 millions pour préserver l’environnement et 25 millions de $ pour des engagements sociaux. 100 millions de $, une coincidence de chiffres inquiétante n’est-ce pas?
Le budget alloué pour ces élections n’est-il pas trop élevé par rapport à la pauvreté de la population?
Plus on est pauvre, plus on a besoin d’argent et les responsables en profitent. Plus la situation est compliquée, plus on a besoin de plus de moyens. Des fois, on essaie de gonfler la facture. C’est courant dans les pays en voie de sous-développement. Rien que pour les salaires bruts, chaque membre du CENI-T gagne 2 500 $ par mois, soit 30 000 $ par année sans les avantages y afférents (voiture, carburants, indemnités diverses, déplacements…). Juste pour les 22 membres et ses gardes rapprochées, il faut 1 million de $, soit 10 milliards de Fmg. Sans compter les membres dans toutes les régions, districts et communes. Les experts internationaux doivent être aussi payés par ce budget et ils coûtent vraiment chers. L’arrivée de contingents des Nations Unies pour superviser les élections n’est pas à écarter; en Côte d’Ivoire, il y avait plus de 700. Bref il y a des dizaines de milliers de personnes impliquées dans ces élections. Les moyens pour couvrir tout Madagascar ne sont pas de reste et mieux vaut avoir plus de moyens financiers que d’en manquer.
La mouvance Ravalomanana peut-elle maintenir sa cohésion entre ses entités qui la composent?
Comme les autres, le virus séparatiste s’est emparé de la mouvance depuis le départ calculateur des Raharinaivo, Yves Aimé Rakotoarisoa et leurs cliques. Mais la base est solide et les autres partis qui composent l’entité comme le MFM, le Teza et le PSD de Mme Ruffine Tsiranana, malgré son départ imminent du Gouvernement, restent ancrés dans la mouvance. Des éléments qui ont suivi les dissidents commencent même à revenir au bercail.
Le PM Jean Omer Bereziky incarne-t-il encore le consensus une année après la signature de la Feuille de route.
Beaucoup pensent qu’il n’est plus l’homme de la situation à cause de son altermoiement sur la défense de la FDR dont il dit être son patron. Aucune station de radio fermée n’a pas été ouverte pour citer un exemple. Mise à part le partage des chaises au niveau des Institutions, la FDR reste un document virtuel. JF Kennedy dans son allocution à Dublin, Irlande, en février 1963 disait : « Nous avons besoin d’homme qui fait rêver et des choses crédibles » et dans la situation de braise que nous traversons, Madagascar a besoin d’un homme ou d’une femme de caractère capable de frapper sur la table pour redresser notre cher pays. Avec tous les respects que je dois au Premier Ministre, il est capable de se ressaisir et d’avancer. Il a les moyens et le pouvoir octroyés par la CI
L’État pourrait-t-il mater les dahalo par les forces?
Ce qui se passe dans le Sud de Madagascar fait partie du plan machiavélique concocté pour créer un vide sécuritaire et diviser ce pays. La force appelle la force et je vois mal ce régime de Transition réussir à éradiquer le phénomène dahalo dans le sang. L’inimitié des gens envers les Forces armées va créer une autre tension difficilement résolvable et cela va atteindre la HAT et le peu de crédibilité qui lui reste. Pour la première fois dans l’histoire, les Forces armées appellent au secours (Grand titre de L’Express de Madagascar ce mois-ci). Si la force a réglé tout conflit, nous n’en sommes pas là et le phénomène peut ressurgir tôt ou tard. Il faut appliquer la stratégie des Nations Unies appelée DDR qu’elles utilisent dans tous les pays instables et en guerre : Désarmement, Démobilisation et Re-insertion. Il faut en faire de même pour les milices, car il y en a des milices créées de toute pièce chez nous pour entretenir un environnement non sécuritaire.
Croyez-vous à la faisabilité de la réconciliation nationale?
La réconciliation nationale est une condition sine qua none pour sortir de cette crise, elle est incontournable et nous devons la faire sans tarder sinon ce sera trop tard. Elle n’a pas pu se faire jusqu’ici à cause de l’intransigeance des uns et l’irresponsabilité des autres.
Qu’en est-il de l’accord secret entre les 2 protagonistes?
Si un accord signé sous l’égide de la CI a été bafoué et non respecté après Addis Abeba et Maputo, croyez-vous que l’un des protagonistes en question va se soucier et respecter un accord soi-disant secret? Il ne faut pas se leurrer!
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Le GTT INTERNATIONAL, collectif de la diaspora malagasy, dont le siège est à Genève (CH), poursuit un double objectif: la restauration de l'Etat de droit et le rétablissement de la Démocratie à Madagascar. Il prône et oeuvre pour la liberté d'expression, la prise de conscience citoyenne et la mise en place d'une vraie démocratie dont l'exigence première est la tenue d'un processus électoral inclusif, libre et transparent ".
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