Parmi les séquelles de la colonisation de l’Afrique, deux symptômes,
devenus de véritables marqueurs des pays de ce continent qui ont accédé à
l’indépendance, sont à méditer. L’émergence de régimes autoritaires
obnubilés par l’usage de la force et de la répression systématique des
libertés et le silence complice des élites qui souvent s’accommodent des
souffrances infligées à leurs peuples et pire se métamorphosent
souvent, fascinées et asservies, en bras articulé des anciennes
puissances coloniales. Ces situations de « néocolonialisme résurgent »
contribuent souvent à disloquer ces pays et à redonner du souffle aux
nouvelles visées prédatrices des puissants de ce monde. Les conflits qui
minent l’Afrique, attisent les convoitises et suscitent l’attention de
la communauté internationale et des Nations-Unis sont souvent
révélateurs et résultent des effets de ces pathologies postcoloniales
dévastatrices. Ces dernières induisent pauvreté des populations,
populismes, déliquescence des institutions, exacerbation souvent
délibérée des différences religieuses et culturelles, exaltation des
chauvinismes et nourrissent guerres civiles et conflits ethniques. Elles
servent également d’alibi à de nouvelles conquêtes qui ne disent pas
leur nom mais qui dans leur essence n’ont rien à envier à celles du
passé et qui se font toujours au nom du libre commerce et de la mission
civilisatrice de l’homme blanc.
La nouvelle reconfiguration des zones d’influence dans le monde se
précise au grand dam des partisans de la solidarité entre tous les
peuples de la planète, de l’effort partagé, de la protection de la Terre
et de ses ressources et de l’entraide. Elle s’accompli cependant avec
une nuance de taille. Les puissances économiques et militaires issus des
rapports de force induits par la fin de la seconde guerre mondiale
doivent à présent compter avec l’apparition de nouveaux trublions,
appartenant le plus souvent au cercle des pays dits émergents qui
contestent cet équilibre et l’existence de ces véritables chasses
gardées.
L’Afrique, continent riche en couleurs, en pétrole et en métaux
précieux aiguise les appétits. Ce continent constitue l’une des
dernières proies que convoitent des prédateurs de plus en plus affamés.
Car il faut relancer les économies occidentales en grandes difficultés
et créer de l’emploi. L’Afrique constitue dans ce contexte une
opportunité formidable pour les entreprises étrangères. Il faut exporter
vers ce continent. L’Afrique doit acquérir et consommer les excédents
des puissants qui à leur tour prospèrent et font prospérer leurs pays.
La mécanique est ainsi bien rodée. Mais le grain de sable que constitue
l’apparition d’un monde multipolaire enraye le mécanisme.
Il faut désormais réinventer les guerres et supporter
l’effort financier de plus en plus important qu’elles induisent. Les
interventions militaires récurrentes en Afrique conduites par ailleurs
avec ou sans mandat des Nations-Unis affaiblissent des économies
occidentales déjà très mal au point.
La parade est cependant trouvée. Il
faut inviter les africains à se défendre eux-mêmes non pas en se
démocratisant et en se développant, la prospérité économique et le
développement humain étant le meilleur garant de la paix et de la
sécurité, mais en créant une force d’intervention rapide qui se
déploiera dans toutes les parties du continent avec tout ce que cela
comporte comme risques d’embrasement entre pays voisins.
La République Centrafricaine et la RDC constituent désormais
et après la Libye et le Mali, le nouveau point de fixation des stratèges
occidentaux qui définissent le cap et suggèrent, comme par exemple pour
ceux qui en France s’inspirent des maitres à penser de
l’interventionnisme que furent Richard Pearl et Paul Wolf witz, depuis
longtemps, aux troupes françaises d’intervenir en Afrique dés qu’un
conflit surgit, s’installe dans la durée ou présente, selon la
terminologie convenue, une menace pour la stabilité de toute la région.
Cette nouvelle doctrine dont les contours ont été esquissés à
l’occasion du sommet franco-africain, rebaptisé sommet Elysée-Afrique,
sous la forme d’une nouvelle approche de la politique africaine de la
France qui « associe les pays africains à la maitrise de leur propre
destin ». Prétendue sans parti pris et au service exclusif des peuples
en détresse, cette nouvelle approche est portée par le déploiement de
forces au sol pour créer de nouveaux rapports de forces. Encore une
fois, cela semble ressembler à mettre la charrue avant les bœufs car les
peuples africains sont le plus souvent victimes de leurs propres
dirigeants et du sous-développement qu’ils provoquent.
Le sommet de Paris qui a eu pour maître de cérémonie le Président
Français avec comme guest star le Président sénégalais qui a l’occasion
s’est approprié dans son intervention le projet de gazoduc Algérie –
Nigéria pour en faire un plaidoyer pour l’intégration régionale a tenté
de répondre laborieusement à la récurrente question de savoir qui du
développement économique ou de la sécurité est le meilleur le garant de
la paix sociale ?
L’Afrique doit apprendre à assurer seule sa propre sécurité et sans
apport extérieur. L’histoire nous enseigne hélas que toutes les
expéditions mêmes les plus « nobles et les plus généreuses » se sont
toujours transformées en boulets pour les peuples autochtones qui les
ont subies. Et hasard du calendrier, deux personnes ont quitté ce monde à
quelques jours d’intervalle. L’une à consacré sa vie à la lutte pour la
conquête de la liberté et la fin de l’asservissement, l’autre a
confondu les genres et a institué, sous les ordres de ses supérieurs
hiérarchiques surtout politiques, la pire des souffrances que l’on
puisse infliger à l’homme. Pour les peuples africains, le choix entre
Mandela et Aussaresses doit être longuement médité.
Salim METREF
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