mardi 27 juillet 2010

Lettre ouverte à RSF suite à la publication du Rapport d’enquête: “MADAGASCAR: Suspensions, saccages et désinformation : les médias au coeur de la cri

Nous vous remercions d’abord du travail que vous avez mené à Madagascar pour montrer le rôle joué par les médias dans cette crise sans précédent que traverse le pays depuis 17 mois maintenant. Vous avez relaté, à travers le rapport, l’intérêt que vous portez aux conditions de travail des journalistes malagasy tout au long de cette période et nous vous en saurons gré. Cependant, à la lecture du rapport, permettez-nous d’émettre quelques observations et critiques qui, loin de minimiser le travail effectué, nous semblent indispensables pour avoir une connaissance plus complète et objective de la situation locale et aussi pour la crédibilité de votre rapport.


Interview des journalistes pro-HAT

D’abord, les personnalités et organisations rencontrées par l’auteur sont en grande partie celles ou du moins proches du pouvoir putschiste, à commencer par la ministre de la communication, Nathalie Rabe. Nous nous étonnons au passage de la pertinence et de l’utilité des consultations des membres du PNUD dans le cadre de votre démarche. Nous pouvons concevoir que ces rencontres puissent relever des contraintes protocolaires normales mais cela ne doit pas vous empêcher de mener votre investigation au-delà de ce cercle, à moins qu’une interdiction formelle vous ait été signifiée, ce qui ne semble pas le cas sinon vous en auriez fait mention dans le rapport.
Nous déplorons donc l’absence d’entretiens avec les journalistes persécutés par la HAT et notamment ceux de la Radio Fahazavana qui croupissent en prison depuis le 20 mai 2010. Cela aurait été intéressant d’avoir leur version concernant la situation réelle des médias où il n’existe plus de porte-voix légalistes depuis le démantèlement de la station. Votre rapport aurait ainsi gagné en objectivité. D’ailleurs, il aurait été plus cohérent et pertinent de rencontrer ces derniers plutôt que les membres du PNUD.

Accusation infondée du 7 février

Quant aux faits, il est de notre devoir d’apporter des précisions supplémentaires pour les rendre plus complets et conformes à la réalité afin de permettre une meilleure compréhension de la situation:
· Concernant la fermeture de la radio VIVA, la décision gouvernementale a été motivée par la diffusion intégrale (précision importante que le rapport a omis de mentionner) de l’enregistrement des propos de l’ex-président Didier Ratsiraka. Dans un contexte socio-politique très tendu, ces propos sont de nature à troubler l’ordre et la sécurité publics car le gouvernement y voyait des passages provocateurs qui incitent au soulèvement populaire pour renverser le Président Ravalomanana. C’était donc un motif légal valable pour décréter l’arrêt de la diffusion de la station.
· S’agissant de l’évènement tragique du 7 février 2009 où plusieurs personnes, y compris le jeune journaliste de RTA, ont été tuées lors de la tentative de prise d'assaut du Palais présidentiel d’Ambohitsorohitra, force est de constater que les faits sont présentés de manière sommaire, ce qui empêche toute appréciation objective de la situation. Sans vouloir prendre partie, le rapport fait l’impasse sur plusieurs points:
ü malgré les avertissements des forces de l’ordre, les tirs de sommation en l’air et les gaz lacrymogènes, les lieutenants de Andry Rajoelina ont fait signe à la foule d’avancer en franchissant la zone rouge. Ceci est prouvé par plusieurs vidéos.
ü Les avis sont contradictoires concernant les tirs qui ont touché le jeune journaliste. D’après la radio Antsiva, les tirs viendraient de l’extérieur du palais, plus exactement d’une partie même de la foule. Selon la radio Viva (appartenant à Andry Rajoelina) en revanche, ils viendraient du palais. Selon des témoins, des tireurs non identifiés auraient été aperçus sur les bâtiments privés situés aux alentours du palais.
ü Le Président Ravalomanana lui même a demandé une commission d’enquête indépendante pour faire la lumière sur cet évènement.
ü Et la procédure judiciaire est en cours

Censure systématique et main mise sur les médias

Sur ce point, le rapport soutient qu’il n’y a pas “à Madagascar de censure généralisée ou systématique, mais plutôt d’actes de censure ponctuels qui se rapprochent de la discrimination ou de la tentative de contrôle”. Or, le Parlement européen dans sa résolution de février 2010 admet le caractère systématique de l’arrestation des journalistes et de la censure des médias. Si dans la presse écrite, la censure est moins visible, dans l’audio-visuelle, on assiste en revanche à une censure de fait car les stations de radio ou télévision légalistes n’existent pratiquement plus après la fermeture programmée de Radio Fahazavana, le dernier porte-voix de l’opposition et l’arrestation de ses journalistes. Les putschistes détiennent désormais le monopole des médias publics comme le rappelle le Parlement européen, toujours dans la même résolution “...ce régime illégal en place monopolise les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire ainsi que les médias”.


Il ressort de cette analyse que:
· Le rapport est trop superficiel à force de vouloir rester factuel,
· il est orienté et d’une impartialité douteuse. Ce rapport d’enquête sur Madagascar diffère peu des autres rapports portant sur d’autres pays. Comment ne pas évoquer la prise de position partisane de votre organisation à l’égard de certains pays tels que le Vénézuéla (lors de l’éphémère putsch de 2002), en Haïti (lors du renversement du Président Aristide) et au Tchad (lors de la tentative d’enlèvement d’enfants en 2007) où RSF adoptait une attitude pour le moins complaisante vis à vis des putschistes ou des dictateurs ?
· La question se pose quant à la crédibilité et à l’impact du rapport sur le sort des journalistes emprisonnés et victimes de répressions d’autant plus que les recommandations qui y sont formulées ne sont guère contraignantes pour le régime totalitaire en place. Ce dernier va tout simplement les ignorer comme il s’est toujours comporté même vis à vis des décisions internationales qui, pourtant, sont d’application obligatoires.



GTT International - Collectif de la Diaspora Malagasy

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